Selon l’Union Européenne, La France est “à la traîne” en matière de fiscalité environnementale. La réforme de l’imposition devrait donc s’orienter, reste à prévoir où.
Alors que de nombreux bouleversements fiscaux se font largement ressentir depuis 2011, le Comité de la Fiscalité Écologique (CFE) confirme la faiblesse de notre pays en matière de “Green Tax”, et annonce la nécessité de grands réaménagements à venir.
La réforme fiscale : “Et c’est pas fini !”
En effet, si quelques mécanismes existent déjà pour tenir compte de l’impact écologique de certains comportements, de nombreuses idées risquent d’être mises en pratique très prochainement, ce qui influencera très probablement notre fiscalité et nos investissements.
Comme quoi, la mode du Bio va même peut-être finir par toucher Bercy…
Les bases de la fiscalité environnementale : Aujourd’hui en France
Il existe en France une multitude de dispositifs fiscaux touchant à l’environnement. S’il est impossible de tous les étudier dans le détail, nous pouvons rappeler les principaux.
Première catégorie, les divers prélèvements obligatoires frappant les produits et activités polluantes, comme :
- La TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes) = C’est une taxe spéciale visant à faire supporter aux entreprises le coût écologique de leur activité (traitement des déchets, émissions de gaz, pesticides…). Le taux d’imposition vient alors varier en fonction des catégories de déchets et en fonction de la substance polluante (hydrocarbures, mercure, plomb…). Ce prélèvement a été très largement étendu par la Loi de Finance pour 2014
- L’ex-TIPP, aujourd’hui nommée TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques) = Sont directement visés ici les divers carburants, notamment pétroliers, utilisés par les véhicules, mais aussi les autres types de produits énergétiques tels que les hydrocarbures utilisés en matière de chauffage. De la même manière que la TGAP, le montant de l’imposition varie en fonction des catégories d’énergie et du type de consommation (domestique ou transport)
Seconde catégorie, les diverses incitations fiscales, telles que :
- En matière automobile, par exemple, le système du Bonus/Malus écologique (réduction ou taxe supplémentaire en fonction du niveau de pollution du véhicule acheté), déjà durci par la loi de finance pour 2014, ou de la taxe annuelle sur les véhicules les plus polluants. Là aussi plus le niveau d’émission est élevé, plus la taxe sera lourde.
A noter que, sans être un dispositif fiscal prévu à cet effet, la Taxe sur les Véhicules de Société, et le système des Indemnités Kilométriques tient en partie compte des niveaux de pollution. Pour une étude plus globale sur la fiscalité des véhicules de tourisme, notamment à travers l’aspect environnemental, voir l’article “Véhicule professionnel : Tour d’horizon des régimes applicables pour l’entrepreneur”. - En matière immobilière aussi, il existe de nombreuses incitations particulières. Le CIDD (Crédit d’Impôt Développement Durable) permet au contribuable de bénéficier d’un crédit d’impôt de 15 à 25 % afin de réaliser des travaux relatifs à l’isolation thermique ou à l’installation d’équipements utilisant certaines “sources d’énergies renouvelables”.
Les travaux importants, visant à améliorer la consommation énergétique peuvent être financés, sous certaines conditions, par l’éco-PTZ, c’est-à-dire un prêt à taux zéro, dans la limite de 30 000 €
On peut aussi citer les incitations aux investissements dans le photovoltaique.
Tous ces dispositifs visent à orienter les comportements et investissements des entrepreneurs/consommateurs vers des activités ou produits moins polluants, en mettant en pratique le principe du “Pollueur-Payeur”.
Mais à quoi doit-on s’attendre demain en matière d’incitations fiscales ou de placements ?
Les évolutions à venir de la fiscalité environnementale
Comme nous l’avons vu, la France est, par rapport à nos voisins européens, largement en retard en matière de fiscalité écologique. Sur cette base, tant la Commission Européenne que le CFE recommandent une totale réorientation de notre fiscalité vers des objectifs environnementaux, sans que ceci ne vienne alourdir la pression fiscale globale… Vaste programme !
Le rapport du CFE met alors en avant plusieurs propositions ou tendances, pouvant considérablement influencer les réformes à venir. Sans avoir de “boule de cristal”, voici les points qui méritent d’être cités :
- Une diminution ou suppression des diverses niches profitant à certaines activités polluantes. En effet, de nombreux taux réduits ou exonérations existent en matière de TICPE, de TVA, ou encore sur certains carburants (notamment les biocarburants, auparavant exonérés, et qui deviendront progressivement imposables à partir de 2014). Dans le même sens, les avantages accordés à certains secteurs seraient aussi amener à disparaître : exonérations en matière d’aviation, en matière routière, ou encore pour les ménages.
- Une augmentation du niveau taxation. Encore aujourd’hui, il existe un différentiel de taxation favorable au Gazole, pourtant reconnu comme plus polluant que les autres dans sa libération de particules fines. Si dans cette période de “tumulte fiscal”, une telle hausse n’est pas à l’ordre du jour, les prélèvements sur le Gazole risquent d’augmenter notablement dans les années à venir, pour atteindre un niveau équivalent à celui de l’essence.
D’autres produits devraient aussi voir leur taxation progressivement augmenter, comme le fuel, le gaz naturel, le charbon, ou l’utilisation de fluides frigorigènes (congélateur, climatisation, système de refroidissement…). - L’instauration d’une “contribution climat-énergie” prenant la forme d’une part carbone dans les taxes déjà existantes. Dès ce début d’année 2014, a été créée une “assiette carbone” assez large, mais à taux relativement faible. Concrètement, les taxes déjà existantes (notamment la TICPE) augmenteront de plus en plus en fonction de leur contenu en CO². Une hausse progressive est alors à prévoir sur le long terme, jusqu’en 2020, à première vue.
- Le retour de “l’Ecotaxe poids lourd”. Cette taxe, instaurée lors du Grenelle de l’environnement, prévoyait une imposition spécifique au kilomètre pour les véhicules destinés au transport de marchandises. Après la révolte des “bonnets rouges” en Bretagne (région pourtant exonérée à 50 % de ladite taxe selon le texte de loi initial), le gouvernement avait décidé de suspendre l’application du dispositif contesté. Dans le cadre de la fameuse “transition écologique”, un retour est à prévoir.
- Une réorientation des dépenses publiques. En plus d’instaurer des mécanismes incitatifs/dissuasifs dans le comportement des entreprises et des personnes, la transition écologique doit aussi passer, selon les fiscalistes du comité, par une modification des accompagnements publics. Ainsi, diverses aides et subventions devraient être créées, favorisant l’investissement dans certains secteurs.1) Les premières visent à étendre les secteurs du développement durable, notamment :
- Pour les activités de gestion/recyclage des déchets, et de traitement des eaux usées
- Les matières biodégradables comme les biopolymères et bioplastiques (ayant les mêmes propriétés que le plastique, en bien plus écologique)
- Les véhicules propres (notamment fonctionnant à l’hydrogène)
- Le développement des énergies renouvelables comme en matière solaire, éoliens, ou pour les énergies marines. Le bois est aussi porteur, comme en témoigne le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement dans les forêts (avantages IR, ISF, Transmissions), instauré par la Loi de Finance 2014
- L’agriculture et la production biologique
- La chimie verte (utilisation de procédés chimiques et de synthèses dans un objectif écologique)
- Et plus généralement la protection de la biodiversité.
2) Les secondes visent à accompagner temporairement les secteurs et ménages les plus touchés par l’augmentation de ces charges fiscales liées à cette transition écologique. Le but est d’éviter la “précarité énergétique”. Citons notamment les secteurs agricoles et routiers, ainsi que certains ménages, pour qui l’augmentation des taxes risquent de peser lourd sur la consommation. Ces aspects devraient être pris en compte dès l’enclenchement de la transition écologique.
- Une révision complète de la fiscalité urbaine et de l’aménagement pour aller dans le sens d’un “verdissement” des infrastructures. Ceci pourrait notamment passer par une adaptation de la fiscalité des plus-values immobilières pour une meilleure prise en compte de la “qualité environnementale” du bien immobilier (peut-être une baisse de l’imposition en cas de vente ?).
De même, le réaménagement des zones urbaines et la limitation de l’étalement urbain seraient à l’ordre du jour. On peut aisément imaginer la mise en place d’un système de Bonus/Malus en matière de construction, et une exonération de taxes pour les opérations de réaffectation “propres” des sols urbains.
Bref, le “qualitatif environnemental” devrait primer sur le “quantitatif urbain”. Peut-être un premier indice pour savoir où et comment investir dans l’immobilier ? - Une meilleure information et prévisibilité des évolutions à venir en matière de fiscalité écologique et objectifs environnementaux.
- Une plus grande prise en compte des enjeux extra-financiers par les divers partenaires des entreprises (banques, fournisseurs) et les autorités publiques. La France pourrait alors s’inspirer des États-Unis et envisager d’adapter au niveau national une réglementation “B-Corporation” , pour favoriser les aspects sociaux et environnementaux des entreprises, à travers une sorte de label.
Toutes ces orientations préconisées ont un objectif simple : que la France rattrape son retard en matière de “fiscalité verte”, d’une part en influençant les comportements à travers la prise en compte économique du coût écologique (par nature invisible) ; et d’autre part en trouvant des ressources stables pour orienter certaines dépenses publiques vers des investissements déterminés.
Mais, si certain pensent que cette transition écologique pourrait bien être un élément fort de sortie de récession et de relance, les difficultés liées à la crise économique et budgétaire actuelle semblent mettre à mal la mise en place d’une telle réorientation de la fiscalité, surtout dans un contexte de “ras-le-bol fiscal”.
Nonobstant, le principe même de la fiscalité environnementale repose sur un paradoxe tenant en quelques points :
- D’abord, il y a une forte taxation des produits et activités polluantes pour changer les comportements, tout en stabilisant des recettes étatiques
- Mais, une fois que les comportements ont changés, l’Etat fait face à une difficulté budgétaire
- Alors, d’autres sources d’imposition doivent être trouvées. L’Etat risque donc changer l’assiette des taxes pour la faire peser sur les nouveaux comportements écologiques adoptés, car plus répandus.
Que faut-il en conclure ? Que si à plus long terme la fiscalité écologique peut être considérée comme instable sur le plan budgétaire, nécessitant de trouver d’autres solutions, il n’en demeure pas moins un outil susceptible de donner une impulsion positive à l’économie.
Certains disent que “c’est dans l’instabilité que l’on crée le mouvement”. Alors, que ce soit pour anticiper sa fiscalité ou pour investir, ne vaut-il pas mieux se préparer dès aujourd’hui ?