Duflot 2, les propriétaires en perte “d’Alur” ?

Alors que le dispositif d’investissement locatif Duflot perd de la vitesse (certains parlent “du Flop Duflot”), le projet de loi ALUR est en plein vote en ce moment même au Parlement.

Ce dernier devrait très prochainement venir bouleverser le droit applicable, en encadrant largement les relations entre locataires, propriétaire-bailleurs et professionnels de l’immobilier.

Réelle loi de protection des locataires, les propriétaires se demandent si la “pierre” ne risque pas de devenir trop lourde à supporter après le raz-de-marée Duflot…

Encadrement des loyers, entre plancher et plafond

Afin de limiter la marée montante des loyers dans les zones immobilières dites “tendues”, les villes de plus de 50 000 habitants ainsi que leurs agglomérations seront visées par un encadrement durable de leurs loyers. Paris, Marseille, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Lille, Nantes, Strasbourg… et bien d’autres devraient être concernées, soit environ 70 % du parc immobilier privé de location.

Concrètement, des observatoires locaux du marché immobilier vont permettre au préfet de fixer un loyer médian de référence, qui sera catégorisé en fonction du type de logement et de la localisation du bien. Les propriétaires fixeront le loyer en fonction de 3 indicateurs :

  • Le loyer médian classique, qui sert de référence
  • Le loyer médian minoré, inférieur de 30 % au loyer médian précédent
  • Le loyer médian majoré, supérieur de 20 % au loyer médian de référence.

Comble de l’immobilier, le loyer sera enfermé entre un plancher et un plafond

Exemple : Si votre bien se rattache à un loyer médian de référence fixé à 1000 €, le loyer à payer par le locataire devra impérativement être compris entre 700 et 1 200 €.

Deux particularités viennent aménager les loyers les plus hauts et les plus bas :

  • Pour les logements aux “caractéristiques exceptionnelles” (en matière de confort, localisation…), le propriétaire pourra demander un complément de loyer
  • Pour les loyers inférieurs au plancher, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas été réévalués depuis longtemps, l’augmentation du loyer pourra être étalée pour favoriser le locataire

En cas de non respect de cet encadrement, locataires et propriétaires pourront faire un recours dans les 3 mois de la signature d’un nouveau bail ou dans les 6 mois de son renouvellement. On peut dors et déjà s’attendre à une multiplication des contentieux, d’abord devant la commission de conciliation, puis devant les tribunaux.

Cette mesure essuie déjà un tsunami de critiques : inadaptation aux multiples situations de fait, effet pervers qui entraînerait une hausse des faibles loyers et une diminution des plus hauts… Le CAE (Conseil d’Analyse Economique) a même récemment publié une note révélant que ce type de mécanisme favoriserait la dégradation du parc immobilier (par un déséquilibre de l’offre et de la demande), et une baisse de rentabilité, compensée par des aides publiques et avantages fiscaux coûteux au bénéfice des bailleurs.

Obligations légales des propriétaire-bailleurs, le niveau monte

Si initialement le projet a été présenté comme une loi d’équilibre des relations, la donne a vraisemblablement changée tant les propriétaires doivent supporter de nouvelles obligations, sans aucun droit en retour… bref, sans réelle contrepartie juridique.

Obligations à la signature du bail

Les relations contractuelles seront prochainement encadrées à travers des modèles type de baux, qui devront indiquer diverses mentions obligatoires : la surface du logement, le montant du loyer avant la réforme, et les indices de référence.

De plus, un décret mettra prochainement en place une liste exhaustive des documents que le locataire devra fournir pour “candidater”. L’objectif est de limiter les disparités, parfois abusives.

Obligations liées au dépôt de garantie

Le montant du dépôt de garantie des locations nues reste inchangé (limité à un mois de loyer hors charge), mais deviendra plafonné a 2 mois pour les locations meublées. Ils ne pourront plus être fixés librement.

Lors de la restitution de ces sommes, le bailleur devra réaliser un arrêté de compte provisoire dans les 2 mois de la remise des clés. Une provision de 20 % maximum pourra être faite, en sachant que la régularisation définitive devra intervenir dans le mois qui suit l’arrêté définitif des comptes annuels de l’immeuble par la copropriété. D’où l’obligation, inscrite dans la présente loi, de conserver les nouvelles coordonnées du locataire après son départ.

Notez qu’il sera toujours possible de trouver un accord définitif (négocié) avec le locataire lors de son départ.

Par contre, les propriétaires devront être très vigilants, car en cas de non restitution de ces sommes dans les délais, les intérêts de retard, aujourd’hui encore au taux légal de 0,04 %, passeront à 10 % par mois. Cette défaillance, encore très courante, devra être surveillée.

Sanctions contre les loueurs d’habitations indignes

Les bailleurs dits “indélicats” (louant des habitations insalubres, sur-occupés, ou des appartement divisés…) seront dorénavant sanctionnés :

  • Les propriétaires pourront être forcés à réaliser des travaux de réhabilitation de leur bien, au risque de devoir payer une astreinte pouvant aller jusqu’à 200 € par jour de retard
  • Ils pourront aussi être interdits d’acheter et de gérer des biens immobiliers (seuls ou à travers une société) pendant 5 années

La GUL (Garanties du paiement des loyers) risque de tomber à l’eau

La loi Alur prévoit un mécanisme de garantie de paiement des loyers au bénéfice du propriétaire :

  • tant sur les locations nues que meublées
  • détenus par une personne privée ou par un groupement
  • financé par un prélèvement de 1 à 2 % du montant du loyer pesant à parts égales sur le locataire et le propriétaire
  • qui viendrait remplacer le mécanisme du cautionnement

En principe, ce mécanisme devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2016, et ne s’appliquerait qu’aux nouveaux contrats signés à partir de cette date.

Or, en ce moment, cette mesure phare tangue quelque peu, et risque même de sombrer dans les abysses des placards Duflot. En effet, le financement par la création d’une nouvelle taxe a été fortement décrié lors des premiers passages parlementaires. Le gouvernement vient d’ailleurs juste de revenir dessus.

Ce coût de 700 à 800 millions d’euros sera peut-être impacté sur le budget public de l’Etat et des collectivités territoriales. Mais cela semble quasi impossible en période de restriction budgétaire.

Sur ces flots incertains, le radeau de la GUL risque bien d’être dévoré par le “Léviathan budgétaire”.

Encadrer et responsabiliser les professionnels, un cap à suivre

Professionnels de l’immobilier, ne levez pas les voiles, vous êtes aussi concernés.

La loi va instaurer une obligation minimale de formation pour les professions de l’immobilier, avec la souscription d’une assurance responsabilité civile. Ces derniers seront contrôlés par une autorité, le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière, susceptible d’être saisei par des associations de consommateurs, et de poser des sanctions en cas de non respect desdites obligations professionnelles.

D’ailleurs, pour formaliser tout cela, un code de déontologie devrait voir le jour.

En matière de frais d’agence, la mise en location d’un bien sera plafonné à un mois de loyer hors charges, les honoraires étant exclusivement supporté par le propriétaire (et non à 50/50 avec le locataire). De plus, les frais d’état des lieux et de rédaction de bail seront aussi plafonnés, et partagés à parts égales entre propriétaire et locataire.

Des décrets viendront très vite après la loi pour préciser ses modalités d’application.

Les syndicats de copropriété de plus de 10 lots devront notamment être inscrit sur un registre national d’immatriculation créé pour l’occasion, qui précisera les informations essentielles, techniques et financières, relatives à ces groupements. A défaut, une amende, voir même une astreinte pourront être prononcées.

L’objectif est de pouvoir contrôler et éviter les dérives de certaines copropriétés.

Les locataires en difficulté ont le vent en poupe !

Afin de limiter les impayés de ces locataires, la loi va organiser un accompagnement plus en amont des difficultés. De plus, la procédure d’accès aux logements sociaux devrait être facilitée.

Mais si ces dispositions manquent encore de clarté en l’absence de décrets d’application, la navette parlementaire a révélé une nouvelle disposition qui pourrait être mise en place : la prolongation de la trêve hivernale. Celle-ci, actuellement du 1er novembre au 15 mars, risque d’être rallongée de 15 jours, pour durer jusqu’à fin mars. Le total est donc porté à 5 mois par an.

Une nouvelle qui n’enchante pas les propriétaires, certains étant déjà peu enclins à louer face aux risques d’impayés, et aux difficultés de la procédure d’expulsion. En effet, cette procédure, après la trêve, dure au moins 6 mois, et risque de se confronter à une nouvelle période hivernale.

Au final, face à un Duflot législatif très critiqué, beaucoup retiennent l’inadaptation de ce déséquilibre en faveur des locataires, dans la mesure où aucune réelle disposition n’est prise pour accroître effectivement l’offre de logement, alors qu’il s’agissait d’un des principaux motifs de la loi.

Propriétaires ! Comptez-vous lâcher du leste pour ne pas couler ?

 

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Philippe M.

Philippe MOUSSAUD est associé au groupe depuis mars 2012, et également co-gérant.Il poursuit des études de droit à Paris avant de se spécialiser en Gestion de Patrimoine pour obtenir un Master 2 à l’Université d’Orléans. Après une expérience réussie à l’Union Notariale Financière de 2009 à 2010, il rejoint DIRECFI en 2010. Rigoureux et réactif sont autant d’adjectifs qui définissent Philippe au quotidien comme dans la durée.