Contexte économique et fiscal
La lutte contre l’évasion et la fraude fiscales n’a cessé de s’intensifier au cours de ces dernières années.
La Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière en est le principal témoin.
Concernant spécifiquement la volonté de l’État français en matière de déclaration des actifs détenus à l’étranger, elle s’est plus récemment manifestée au travers de deux circulaires des 21 juin et 2 décembre 2013, dites respectivement « Cazeneuve 1 » et « Cazeneuve 2 ».
Ces textes portent le patronyme du Ministre délégué au Budget alors en fonction : Bernard CAZENEUVE, Ministre du gouvernement AYRAULT II.
Ce dernier, succédait alors à Jérôme CAHUZAC, à l’origine de l’affaire du même nom dévoilée par Médiapart début 2013 quant à la possession de comptes suisses non déclarés.
Ces deux circulaires ont pour but principal d’inciter les titulaires de comptes détenus à l’étranger de régulariser spontanément leur situation en leur octroyant une réduction des pénalités légales prévues en la matière.
Le cadre légal
Si vous détenez des avoirs à l’étranger, sachez que vous êtes tenus d’une obligation de déclaration des comptes ouverts, utilisés ou clos par vous-même au cours de chaque année fiscale (art. 1649 A CGI).
Cette déclaration doit être faite concomitamment à la déclaration de l’ensemble de vos revenus à partir du formulaire spécifiquement dédié n°3916.
Tout défaut de déclaration, découvert par l’administration, vous vaudra d’être sanctionné par une amende complétée d’une majoration pour manquement délibéré (art. 1736 CGI).
L’amende en question est fixée, pour chaque compte ou avoir non déclaré Et pour chaque année de manquement déclaratif, à la somme de :
- 1.500 €, ou
- 10.000 € si l’avoir est détenu dans un Etat ou Territoire Non Coopératif (ETNC) c’est-à-dire un Etat n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et permettant l’accès aux renseignements bancaires.
Toutefois, si la totalité des soldes créditeurs du ou des avoir(s) étranger(s) non déclaré(s) atteint 50.000 € au 31 décembre de l’année au titre de laquelle il(s) aurai(en)t dû l’être, l’amende est alors fixée à 5 % du solde créditeur de chaque compte sans pouvoir être inférieure à 1.500 € ou 10.000 €.
La majoration pour manquement délibéré est celle de droit commun : 40 % voire 80 % en cas de manœuvres frauduleuses.
La régularisation spontanée (circulaires Cazeneuve)
Les dispositions de ces circulaires vous permettent donc, tant que vous ne faites pas l’objet d’un contrôle puis d’un redressement de la part de l’administration fiscale, de régulariser spontanément votre situation.
L’amende pour manquement déclaratif sera alors de :
- 1,5 %* du solde créditeur du/des comptes au 31 décembre de chaque année (fraudeur passif),
- 3 %* du solde créditeur du/des comptes au 31 décembre de chaque année (fraudeur actif)
La majoration pour manquement délibérée sera quant à elle réduite à :
- 15 %** (fraudeur passif)
- 30 %** (fraudeur actif)
*au lieu de 5%
**au lieu de 40% minimum
La distinction entre « fraudeur actif » et « fraudeur passif »
L’aspect « passif » se traduit généralement par une totale inactivité du compte détenu (pas de versements ni de retraits).
On considérera, par exemple, comme « passif », le contribuable dont le compte détenu à l’étranger est issu d’un héritage et n’a fait l’objet d’aucun mouvement depuis la succession.
Pourra également être considérée comme « passive », la personne qui, pour les besoins d’une activité professionnelle menée à l’étranger durant une certaine période, a dû y ouvrir un compte mais n’y a plus touché depuis son retour en France.
Nous attirons spécifiquement votre attention sur le fait que la moindre opération, quelle que soit son ampleur, entraine automatiquement la qualification « active ».
En outre, il est essentiel de souligner qu’en matière de dissimulation d’avoirs détenus à l’étranger, le délai de reprise offert à l’administration fiscale à des fins de redressement, est étendu et court donc jusqu’au 31 décembre de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
Simulation chiffrée
Monsieur et Madame MARTIN, résidents fiscaux français ont hérité en 2012 de deux comptes détenus à l’étranger par la tante de Madame (née SMITH).
Descriptif des deux avoirs :
- Un compte épargne ouvert dans les livres d’une banque au Royaume-Uni
- Un compte titres détenu dans un établissement financier établit aux Iles vierges britanniques (ETNC)
Compte épargne | Compte titres | Total | |
---|---|---|---|
Solde* au 31.12.2012 | 15.600 € | 56.000 € | 71.600 € |
Solde* au 31.12.2013 | 16.224 € | 49.000 € | 65.224 € |
Solde* au 31.12.2014 | 16.873 € | 67.000 € | 83.873 € |
*convertis en euros
En cas de contrôle fiscal, on appliquera nécessairement 5 % du solde créditeur de chaque compte au 31 décembre puisque la somme des soldes annuels excède chaque année 50.000 €.
Dans le cas du compte épargne, l’amende ne pourra jamais être inférieure à 1.500 € alors qu’elle sera au minimum de 10.000 € pour le compte titres détenu dans un ETNC.
La majoration applicable sera de 40 % puisqu’il ne s’agit pas d’un cas de manœuvres frauduleuses.
En cas de déclaration spontanée, on appliquera le taux de 1,5 % au solde annuel de chaque compte puisque Monsieur et Madame MARTIN ont hérité de ces avoirs et n’ont effectué dessus, aucune opération.
La majoration sera elle aussi réduite à 15 %.
CONTROLE FISCAL | ||||
---|---|---|---|---|
Amende | Majoration | Total | ||
Compte épargne |
31.12.12 | 1.500 €* | 600 € | 2.100 € |
31.12.13 | 1.500 € | 600 € | 2.100 € | |
31.12.14 | 1.500 € | 600 € | 2.100 € | |
4.500 € | 1.800 € | 6.300 € | ||
Compte titres |
||||
31.12.12 | 10.000 €** | 4.000 € | 14.000 € | |
31.12.13 | 10.000 € | 4.000 € | 14.000 € | |
31.12.14 | 10.000 € | 4.000 € | 14.000 € | |
30.000 € | 12.000 € | 42.000 € | ||
TOTAL | 34.500 € | 13.800 € | 48.300 € |
REGULARISATION SPONTANEE | ||
---|---|---|
Amende | Majoration | Total |
234 € | 35 € | 269 € |
243 € | 36 € | 279 € |
253 € | 38 € | 291 € |
730 € | 109 € | 839 € |
840 € | 126 € | 966 € |
735 € | 110 € | 845 € |
1.005 € | 151 € | 1.156 € |
2.580 € | 387 € | 2.967 € |
3.310 € | 496 € | 3.806 € |
*5 % x 15.600 = 780 mais amende plancher de 1.500 €
** 5 % x 56.000 = 2.800 mais amende plancher de 10.000 €
LE GAIN POTENTIEL LIE A LA DECLARATION SPONTANEE S’ELEVE DONC A : 44.496€.