Durcissement des sanctions contre les évadés fiscaux, combat contre les fraudeurs, création d’un procureur financier compétent en matière de taxation, accords internationaux d’échanges d’informations favorisant la transparence (signé par la Belgique, et bientôt le Luxembourg, d’ici 2015)…
La fin d’année 2013 semble bien chargée en matière de pression et répression fiscale.
C’est pourquoi beaucoup de contribuables ont voulu profiter de la fameuse “cellule de dégrisement fiscale” mise en place par le gouvernement, afin de régulariser (ou plutôt de négocier) leur situation avec le fisc.
En cette période, les français souhaitent éviter les contentieux des comptes en suisse…
Mais, indépendamment des motifs fiscaux, revenir en France peut aussi avoir un intérêt certain : attachement familial et culturel, organiser et/ou profiter de sa retraite, constituer et/ou gérer un patrimoine… D’autant plus que, selon certains, vivre en Suisse plus de 183 jours par an peut s’avérer quelque peu ennuyeux à la longue.
Voici au travers d’un exemple général les grands axes de questions qui se posent dans le cadre d’un retour en France. Les conséquences fiscales plus précises varieront bien évidemment en fonction de nombreux éléments (montant et répartition des revenus internationaux, conventions fiscales applicables, moment du retour…etc).
Bonjour Monsieur le fiscaliste. Je compte venir m’installer en France, et je me pose quelques questions.
Comment est imposé un non résident français ?
En plus de l’imposition classique de vos revenus selon l’Etat dans lequel vous résidez, une imposition française peut venir s’appliquer.
- Si vous n’êtes pas domicilié en France, et que vous n’avez aucun revenu français, vous ne serez vraisemblablement pas taxé en France. En effet, les non résidents ne sont imposés en France que sur leurs revenus de source française
- Par contre, si vous n’êtes pas domicilié en France, et que vous avez certains revenus français (revenus fonciers, revenus financiers…), seuls ces revenus seront imposables en France, au barème classique de l’impôt. Le plus souvent, des retenues à la source sont opérés par le fisc sur ces revenus avant d’être transmis au bénéficiaire à l’étranger. Notez toutefois que vous serez soumis à un taux minimum de 20%, sauf si vous pouvez justifier que, si l’intégralité de vos revenus étaient imposés en France, votre taux moyen d’imposition serait inférieur
Pourquoi ? Tout simplement car le fisc s’imagine bien que vous devez avoir d’autres revenus, et donc qu’il ne serait pas normal que vous “profitiez” des tranches faiblement imposées.
- Cas particulier pour ceux qui ne sont pas domiciliés en France, n’ont pas de revenus de source française, mais disposent tout de même de manière effective d’une ou plusieurs habitations (propriétaire, locataire, usufruitier, associé de société immobilière…etc.), il existe une imposition minimale particulière. La base imposable correspond alors à 3 fois la valeur locative du ou des habitations à disposition.
Mais dans les faits, cette taxe minimum s’applique rarement, soit parce que les contribuables ont des revenus en France, soit parce qu’ils sont résidents d’un Etat ayant signé une convention fiscale avec la France.
Comment s’installer (ou éviter de s’installer) fiscalement en France ?
Juridiquement, vous êtes rattaché à la France à partir du moment où vous remplissez un de des 4 critères du Code Général des Impôts. Donc, vous avez :
- Votre foyer en France (là où vous vivez de manière habituelle avec éventuellement conjoint, enfants… où en tout cas vous avez votre vie personnelle) ;
- La France comme lieu de séjour principal (vous passez plus de 183 jours par an en France, ou alors la France est le pays dans lequel vous passez le plus de temps) ;
- Une activité professionnelle en France (elle peut être salariée ou non, et ne doit pas être considérée comme accessoire à une autre activité) ;
- Le centre de vos intérêts économiques en France (lieu des principaux investissements, d’où la personne peut administrer ses biens ou tirer la majorité de ses revenus).
- Une activité professionnelle en France (elle peut être salariée ou non, et ne doit pas être considérée comme accessoire à une autre activité) ;
- La France comme lieu de séjour principal (vous passez plus de 183 jours par an en France, ou alors la France est le pays dans lequel vous passez le plus de temps) ;
Concrètement, pour savoir si vous êtes rattaché à la France ou à un autre Etat, le fisc va d’abord analyser le premier critère (du foyer fiscal) :
- S’il est rempli en France, vous êtes domicilié en France,
- S’il est rempli dans l’autre Etat, vous y serez juridiquement rattaché,
- S’il n’est rempli dans aucun des deux, on analyse le critère suivant … et ainsi de suite pour les autres critères.
Ainsi, pour une famille qui vient s’installer en France, y vivre de manière habituelle, inscrire les enfants à l’école (…etc), la réponse est aisée. Alors que certains faits, plus complexes, nécessiterons une analyse approfondie.
A partir de quand suis-je imposé en France ?
Vous serez imposé en France à partir du jour de votre installation effective. A moins de faire cela le 1er janvier à minuit, 2 phases sont alors à distinguer :
- du 1er janvier de l’année à la date de votre installation = Vous serez imposé en France uniquement sur vos revenus de source française. Vos autres revenus internationaux seront alors imposés selon le régime de votre ancien Etat de résidence ;
- de votre installation au 31 décembre = Vous serez imposés en France sur tous vos revenus français et internationaux.
Après mon retour, comment seront imposés mais revenus internationaux ?
A partir du moment où vous êtes domicilié en France, donc, vous devenez imposable sur la totalité de vos revenus, même internationaux. Or, ces sommes sont le plus souvent aussi taxées dans l’Etat d’origine des revenus : Il y a donc un risque de double taxation.
C’est dans cette hypothèse, assez courante, que les conventions fiscales internationales viennent s’appliquer, et répartissent les revenus à imposer entre les Etats. Deux situations se profilent alors :
- La convention peut prévoir que seul l’un des deux Etats peut imposer tel revenu. Alors le plus souvent, l’autre Etat n’impose pas, mais peut tout de même tenir compte de ce revenu pour le calcul du “taux effectif”. Bref, le revenu n’est pas imposé dans l’autre Etat, mais il est pris en compte pour le taux
- La convention peut aussi prévoir que les deux Etats restent en droit d’imposer ledit revenu, mais l’imposition du 1er pays viendra s’imputer sur le montant à payer dans le 2nd (c’est le mécanisme du crédit d’impôt)
Exemple – Pour une personne revenant en France, avec divers revenus internationaux
- Ses salaires venant du Royaume-Uni sont imposés là-bas uniquement, selon le régime local (retenue à la source et/ou système déclaratif…)
- Ses dividendes suisses seront imposés en France, selon le barème classique. Mais la Suisse peut opérer un prélèvement à la source de 15 % (réalisé par l’établissement financier avant de verser les sommes sur le compte du bénéficiaire). Cette taxe payée en Suisse viendra s’imputer sur le montant à payer en France
- Ses revenus fonciers belges seront imposables en Belgique uniquement, lieu de localisation du bien immobilier (barème progressif belge + imposition cadastrale). Mais ces revenus seront pris en compte pour le calcul du taux français
- En prime, l’année de son retour et sous certaines conditions, il pourra déduire, trois fois plus que le plafond classique, les sommes versées sur son PERP
Ces conséquences fiscales “sur mesure” doivent être analysées avec précision, en fonction du patrimoine de la personne concernée, de sa domiciliation, et des différentes juridictions fiscales compétentes.
Est-ce la même chose pour la taxation de mon patrimoine ?
Quelle perspicacité ! En effet, on regarde d’abord comment les principes fiscaux s’appliquent, puis on analyse les éventuelles conventions internationales. Ce genre de convention peut exister en matière de droits de donation/succession, et en matière d’ISF. Le texte vient donc répartir entre les Etats quels sont les droits applicables en cas de double imposition.
Par exemple, si vous êtes en France, toutes les transmissions gratuites sur votre patrimoine national et international seront taxés sous le drapeau tricolore. A l’inverse, si vous êtes résident étranger, n’y seront soumis que les biens situés en France.
En matière d’ISF, l’idée est la même. Les résidents français sont soumis à l’ISF sur l’intégralité de leur patrimoine à condition de dépasser 1 300 000 € (sont exclus les biens professionnels et certaines autres catégories particulières). Les non résidents, eux, n’y sont soumis que sur leur patrimoine situé en France, en sachant que leurs placements financiers sont exonérés.
Pour la plupart, c’est là que le bât blesse, le retour les soumettant pleinement à l’ISF. Néanmoins il est possible, sous certaines conditions, de bénéficier d’un régime favorable pendant les 5 années qui suivent l’arrivée en France. Vous seriez alors soumis à l’ISF que sur vos biens Français (et accessoirement exonéré de taxation si ce patrimoine national représente moins de 1 300 000 €), tout en étant domicilié en France… ce qui laisse largement le temps de s’organiser auprès d’un professionnel pour limiter à l’avenir ce genre de charges fiscales patrimoniales.
Quelles sont les autres conséquences juridiques liées à mon installation ?
Faire un choix patrimonial est comme regarder un point fixe ou une direction à travers un prisme : en fonction de comment l’objet est tourné, différentes facettes seront mises en lumière. Il en est ainsi du choix de se domicilier en France où, au-delà du plan fiscal, le choix doit être analysé à l’aune du droit civil.
Or, dans le cas d’une telle installation, il peut être difficile d’établir quel sera le droit applicable en matière de régimes matrimoniaux, de donations ou successions lorsqu’il existe une dimension internationale. Cette question est soumise aux règles du droit international privé.
Concrètement, deux régimes différents seraient potentiellement applicables, notamment en matière de succession :
- Pour les biens meubles par exemple (notamment les comptes), la loi successorale applicable est celle du domicile du défunt
- Pour les biens immeubles, la loi successorale en vigueur est celle de la localisation du bien
Les règles régissant la réserve héréditaire ou les droits du conjoint survivant sur certains biens peuvent donc varier en fonction de multiples éléments : qualification juridique des biens, localisation de ceux-ci, domicile du donateur/défunt, conventions internationales… Le patrimoine est alors cloisonné et soumis aux lois civiles de divers Etats.
Les règles fiscales applicables demeurent donc indépendantes des autres domaines juridiques.
Cependant, il faut préciser qu’une directive européenne devrait entrer en application en France à partir de 2015. Celle-ci permettrait de soumettre à la loi successorale du domicile du défunt l’intégralité de son patrimoine, sous réserve de dispositions testamentaires contraires. Les possibilités d’aménagement seraient alors bien plus importantes…
La aussi, donc, une étude “sur mesure” s’impose.
What Else ?
N’oublions pas les droits de douane ! Si vous vous installez en France, vous allez probablement vouloir importer vos biens restés à l’étranger.
Dans l’hypothèse où vous résidiez précédemment dans un pays de l’Union Européenne, vous n’aurez pas de droits à payer en vertu du principe de libre circulation des biens.
A l’inverse, si vous étiez précédemment dans un pays hors Union Européenne, des droits sont en principe exigible. Dans ce cas, vous allez devoir évaluer les biens (le plus souvent avec un professionnel ou avec l’aide des douanes françaises), qui seront ensuite classés selon une nomenclature spécifique. Des droits seront alors calculés en fonction des différentes catégories.
Tout n’est pas perdu, vos biens personnels peuvent encore, sous strictes conditions, échapper aux taxes s’ils accompagnent le transfert de votre résidence principale. Après quelques formalités (assez lourdes), le tour est joué ! Par contre, cette franchise ne comprend pas automatiquement les véhicules, soumis à un régime particulier.
Monsieur le fiscaliste, je vous remercie chaleureusement pour ces brillants conseils ! Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant d’implications.
De rien, c’est un métier ! N’hésitez pas à revenir vers moi. En effet, chaque point pourrait être étudié d’une manière plus approfondie, en fonction des informations que vous pourrez me fournir.
Nous pouvons dors et déjà organiser un rendez-vous. Quelles sont vos disponibilités ?