Assurance-vie/Succession : Réponse Ministérielle CIOT et confirmation de la remise en cause de la réponse BACQUET

Comme énoncé dans l’un de nos précédents articles (Assurance-vie / succession : fin prononcée de la réponse BACQUET !), Michel SAPIN annonçait, en date du 12 janvier dernier, par communiqué ministériel, la remise en cause de la réponse BACQUET de 2010 applicable sur les successions de contrats d’assurance-vie.

Depuis lors, chacun attendait une confirmation officielle de l’annonce… Chose faite grâce à la Réponse Ministérielle CIOT publiée au Journal Officiel le 23 février dernier.

Que dit la réponse ministérielle CIOT ?

Cette réponse énonce clairement la remise en cause de la réponse BACQUET (aspect fiscal) et le maintien de la réponse PRORIOL (aspect civil) quant au traitement des successions de contrats d’assurance-vie souscrits par un seul des deux époux à l’aide de deniers communs.

Plus précisément, cela concerne le cas où le contrat aurait été souscrit par le conjoint survivant avec des fonds communs.

Ainsi, à la question : un tel contrat doit-il faire partie de la succession du premier époux décédé et subir, au premier décès, les droits de succession ?

La réponse est : NON !

Attention : plus exactement, en confirmant l’application de la réponse PROPRIOL, la réponse CIOT énonce la nécessaire double analyse d’une telle succession : l’aspect civil, d’une part, l’aspect fiscal, d’autre part.

Ainsi, si le premier décès n’est pas le fait générateur des droits de succession, il n’en demeure pas moins que le contrat constitue un actif de succession qui doit être partagé avec les héritiers.

Retranscription de la question et de la Réponse Ministérielle CIOT

Texte de la question CIOT (publiée au JO le 21 avril 2015)

M. Jean-David Ciot attire l’attention de M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique sur le droit des contrats d’assurance vie non dénoués. La réponse du ministère à la question écrite du député Jean Paul Bacquet du 29 juin 2010 semble introduire une incohérence avec la substance même du contrat d’assurance vie, qui est un contrat aléatoire, l’exécution de la prestation étant liée à un évènement incertain. Cette réponse dérogerait ainsi à la règle de la propriété apparente, la présomption résultant de l’article 2228 du code civil et la théorie de l’accession, mais également à la qualification même dudit contrat, constituant un patrimoine en instance d’affectation dont l’attribution finale doit attendre le dénouement effectif du contrat. Ainsi, cette réponse ministérielle, reprise partiellement par le BOFiP, menace le contrat d’assurance vie dans sa stabilité, alors que ce dernier remplit en lui-même une véritable mission de service public dont une grande partie des produits finance l’État et les entreprises. Elle va également à l’encontre de l’arrêt « Pelletier » du 12 décembre 1986 rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation qui précise en substance que le contrat d’assurance vie est un contrat aléatoire qui n’appartient pas à l’actif successoral. Le fait d’affirmer une position contradictoire avec les positions antérieures du gouvernement, telles que formalisées par le ministère le 9 juillet 1999 ou en réponse à la question du député Bataille du 30 janvier 2001 induit un trouble. En effet, même si le conjoint survivant est exonéré en totalité de droits de succession, le fait d’incorporer dans la masse active communautaire la valorisation au jour du décès des contrats non dénoués ne fait qu’aggraver la fragilité financière des descendants quant au règlement des droits de succession. En ce compris les émoluments d’établissement de la déclaration de succession perçus par le notaire chargé du dossier, sur des biens, qui ne connaissant pas la clause bénéficiaire (cette dernière n’étant connue qu’au jour du dénouement du contrat soit au décès du conjoint survivant, ce dernier étant libre d’en modifier la clause sans porter atteinte à l’essence même du contrat), ne leur appartient nullement. C’est pourquoi il lui demande de préciser sa position sur ce point et de se positionner quant à la réponse apportée par le Gouvernement à la question écrite « Bacquet »

Texte de la réponse ministérielle CIOT (publiée au JO le 23 février 2016)

Les droits de mutation par décès s’appliquent en principe à tous les biens qui faisaient partie du patrimoine du défunt au jour de son décès, et qui, par le fait de son décès, sont transmis à ses héritiers, donataires ou légataires.
Conformément à l’article 1401 du code civil, et sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs et non dénoués lors de la liquidation d’une communauté conjugale à la suite du décès de l’époux bénéficiaire du contrat, fait partie de l’actif de communauté.
En vertu de l’article 1475 du code civil, l’actif de communauté se partage ensuite par moitié entre les époux. La réponse ministérielle dite « Bacquet » no 26231 du 29 juin 2010 a tiré les conséquences en matière de droit fiscal des règles civiles, en considérant qu’il convenait d’intégrer à l’actif successoral du défunt soumis aux droits de mutation par décès la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs et non dénoués lors de la liquidation de la communauté conjugale à la suite du décès de l’époux bénéficiaire du contrat.
Cela étant, il est apparu que le strict alignement de la règle fiscale sur la règle civile, sans prise en compte des spécificités juridiques du contrat d’assurance-vie, conduisait à d’importantes difficultés pratiques, notamment en présence d’héritiers autres que le conjoint survivant, lesquels peuvent se retrouver à payer des droits de mutation calculés sur un actif successoral augmenté du fait de l’augmentation, par le jeu des règles civiles, de l’actif de communauté.
Aussi, afin de garantir la neutralité fiscale pour l’ensemble des héritiers lors du décès du premier époux, il est admis, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016, qu’au plan fiscal la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des fonds communs et non dénoué à la date du décès de l’époux bénéficiaire de ce contrat, ne soit pas intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé.
Lors du dénouement du contrat suite au décès du second conjoint, les sommes versées aux bénéficiaires de l’assurance-vie resteront bien évidemment soumises aux prélèvements prévus, suivant les cas, aux articles 757 B et 990 I du code général des impôts dans les conditions de droit commun. La position exprimée dans la réponse ministérielle no 26231 dite « Bacquet » du 29 juin 2010 est donc rapportée pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016.

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Géraldine D.

Géraldine DAGUTS, juriste de formation (Master 2 recherche en droit privé suivi d’une spécialisation en gestion de patrimoine à l’Université de Toulouse 1) C’est avant tout la relation humaine et la confiance qu’elle noue avec ses clients qui l’ont fait choisir ce métier. Après une première expérience technique, une deuxième commerciale, elle rejoint Direcfi pour combiner au mieux ces deux aspects de la profession.