Suite au renvoi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) par le Conseil d’Etat en date du 25 septembre 2015, le Conseil Constitutionnel est venu apporter une précision d’importance quant à la présomption de représentation mutuelle des ex-conjoints ou ex-partenaires de PACS en cas de contrôle fiscal.
Rappel du contexte
Qu’est ce qu’une QPC ?
Mis en place le 1er mars 2010, le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a immédiatement connu un vif succès en fiscalité. Il consiste en un examen a posteriori de la conformité des lois au regard de notre Constitution (1958) et permet plus précisément de déterminer si la disposition législative en question ne porte pas atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Tout requérant peut transmettre une QPC au Conseil Constitutionnel après pré-examen par le Conseil d’Etat ou la Cour de Cassation quant à la pertinence de la question posée.
Si la question est jugée recevable par le Conseil d’Etat ou la Cour de Cassation, elle est ensuite transmise au Conseil Constitutionnel, lequel est alors seul compétent pour abroger la disposition législative en cause.
Le Conseil Constitutionnel peut également se prononcer en faveur de la conformité de la loi à la Constitution ou encore, émettre quelques réserves, qu’il précise alors.
Quelle est la loi en vigueur quant à la représentation mutuelle des époux en cas de contrôle fiscal?
La représentation mutuelle des époux en cas de contrôle fiscal diligentée par l’administration à leur égard et concernant l’impôt sur le revenu est prévue à l’article L 54 A du Livre des Procédures Fiscales (LPF).
Il énonce précisément que : « Sous réserve des dispositions des articles L. 9 et L. 54, chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l’impôt dû à raison de l’ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l’un des conjoints ou notifiés à l’un d’eux sont opposables de plein droit à l’autre ».
Pratiquement donc, lorsque l’administration fiscale diligente un contrôle relatif à l’impôt sur les revenus d’un foyer, elle peut seulement notifier et donc s’adresser à l’un des deux époux membre du foyer. Les démarches effectuées en ce sens seront opposables de plein droit à l’autre époux (ou autre partenaire de PACS).
La QPC posée le 25 septembre 2015
Quelle est la difficulté soulevée par cette QPC ?
La représentation mutuelle des époux en cas de contrôle fiscal diligentée par l’administration est clairement énoncée par l’article L 54 A du LPF. Pour autant, si ce dispositif ne semble pas engendrer de difficultés dans le cas d’un couple marié et/ou Pacsés, il en pose nettement plus lorsque le couple est séparé, divorcé ou en instance de séparation/divorce et que le contrôle concerne pourtant des revenus perçus en période de vie commune
En effet, une application à la lettre des dispositions de l’article L 54 A du LPF conduit à permettre à l’administration d’avoir pour unique interlocuteur l’un des deux membres du couple dès lors que l’impôt réclamé concerne des revenus perçus par le foyer fiscal (dette fiscale commune), sans tenir compte de la situation réelle du couple au moment où est diligentée la procédure de contrôle.
Quelle est la réponse du Conseil Constitutionnel ?
La présomption de représentation mutuelle dans les procédures relatives à la dette fiscale commune a été validée par le Conseil Constitutionnel.
Sa position rappelle, par ailleurs, l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 mai 2000 qui avait jugé que l’article L 54 A du LPF était tout aussi applicable dans le cas où les intéressés étaient, au moment de la procédure, séparés ou divorcés.
Pour autant, le Conseil Constitutionnel émet une réserve, dont l’importance est grande.
Précisément, si le contribuable a, spontanément et antérieurement au contrôle, informé le fisc du changement de sa situation, chacun des membres de l’ex-couple doit pouvoir contester les cotisations supplémentaires relatives à la période d’imposition commune.
Aussi, il revient donc, en pareil cas, à l’administration fiscale d’adresser l’avis de mise en recouvrement aux deux ex-conjoints.
Sans cela, le Conseil Constitutionnel considère que le délai de réclamation ne pourra commencer à courir.
Nous vous précisons simplement que cette réserve n’est applicable, dans les faits, qu’aux redressements notifiés à compter de la publication de l’avis du Conseil soit le 4 décembre 2015.
Pour les mises en recouvrement antérieures à cette date, tout contribuable « lésé » se verra attribuer, pour contester le redressement, un délai supplémentaire.